Depuis quelques années, l’on assiste au Mali à un inquiétant phénomène : l’entrée fracassante sur la scène politique de nouveaux acteurs, qui n’ont d’autre référence que l’argent dont ils disposent. Ce facteur, absolument inédit dans le pays jusqu’aux dernières élections présidentielles de 2018, peut- il changer la donne ? Pour bien comprendre le glissement dangereux qui s’est opéré, il est important de rappeler quel était le profil des candidats aux fonctions électives et particulièrement à la magistrature suprême aux premières années de l’avènement de la démocratie au Mali.
Regard sur le passé démocratique du Mali
En 1992, date des premières élections générales pluralistes au Mali, les joutes électorales ont été principalement dominées par des hommes et des femmes, qui avaient tout d’abord un ancrage partisan, et pour certains une légitimité politique acquise dans la lutte engagée par diverses couches de la société pour l’ouverture démocratique. Parmi eux, il y avait certes essentiellement des fonctionnaires ou d’anciens fonctionnaires, à l’image d’Alpha Oumar Konaré, de Almamy Sylla, ou de Tieoulé Mamadou Konaté. Mais il y avait aussi quelques membres des professions libérales tels que Me Mountaga Tall, Me Demba Diallo ou Me Idrissa Traoré, anciens bâtonnier de l’ordre des Avocats. Tous étaient peu ou prou connus pour leur opposition au régime du dictateur Moussa Traoré. A l’exception notable d’un homme d’affaires, jusqu’alors totalement inconnu du sérail politique, monsieur Maribatrou Diaby. Aux élections suivantes, celles de 1997, de 2002 et de 2007. Le scénario était à peu près le même que celui précédemment décrit avec en 1997 Alpha Oumar Konaré brigand un second mandat, Me Mountaga Tall et Me Drissa Traoré tentant à nouveau leur chance, Zoumana Sacko, ancien Premier Ministre etc. Toutefois, une flambée des dépenses électorales avait été observée lors des élections fortement disputées de 2002 avec l’entrée en lice des candidats IBK et Soumaïla Cissé, tous les deux issus de l’Adema Pasj et tous les deux ayant été membres du gouvernement pendant de longues années. Au finish, étaient qualifiés pour le second tour Amadou Toumani Touré, un indépendant soutenu par une bonne partie de l’Adema et beaucoup de partis de moindre importance, et Soumaïla Cissé. Malheureusement, tous les deux ne sont plus aujourd’hui. Que se passe t- il donc aujourd’hui, à l’avant veille des élections législatives et présidentielles prévues en 2023, après la fin de l’actuelle transition militaro-civile ?
Ce qui se profile à l’horizon 2023
L’on n’en a déjà vu les prémisses au cours de l’élection présidentielle de 2018 avec l’entrée en lice de monsieur Aliou Boubacar Diallo qui s’est positionné à l’issue du scrutin à la quatrième place. Derrière, excusez du peu, Ibrahim Boubacar Keita, feu Soumaila Cissé et Cheick Modibo Diarra, tous des figures connues de la scène politique malienne et disposant d’appareils politiques bien implantés au Mali et à l’extérieur du pays.
Le candidat Aliou Boubacar Diallo, servi par l’appui du Cherif de Nioro, est parvenu à rentrer dans la cour des grands. Avec comme principal argument une supposée capacité financière et un statut tout aussi difficile à vérifier de milliardaire. Homme d’affaires prospère, il a habilement surfé lors des élections de 2018 sur sa réputation de milliardaire. Le même scénario pourrait, si l’on y prend garde, arrivé au cours de la prochaine élection présidentielle. Déjà, il se murmure que certains grands partis et certains groupes religieux, dont la Cmas de l’imam Mahmoud Dicko, s’apprêtaient à soutenir la candidature de Monsieur Seydou Coulibaly, PDG de CIRA – SA et milliardaire avéré, si l’on s’en tient aux nombreux marchés publics dont sa société a bénéficié tout au long des sept ans de la présidence d’IBK.
Se rêvant volontiers en Patrice Talon malien, l’intéressé rechercherait activement, en sus de l’Adema, sur lequel il compte lancer une véritable offre publique d’achat, le soutien de groupes professionnels opérant dans le Et celui, non négligeable d’une multitude de syndicats et de partis politiques désargentés.
Birama Fall