Visiblement la mort de la Caisse nationale d’Assurance maladie (Canam) en tant que structure étatique ne tient qu’à un fil. Et le retard accusé dans le règlement des factures des pharmaciens privés assorti d’une suspension de collaboration avec la Canam, qui a défrayé la chronique au mois de décembre 2020, n’était qu’un avant signe annonciateur de cette banqueroute. Aujourd’hui encore, la Canam affiche un autre signe d’essoufflement en ordonnant en catimini et de façon unilatérale la suspension des analyses médicales dans certaines cliniques privées. Une autre lèse majesté au détriment des assurés de l’AMO.
Depuis plus d’un mois maintenant, la CANAM ne parvient plus à tenir certains de ses engagements auprès de ses assurés laissant ces derniers dans un désarroi total. En effet, dans certaines cliniques privées conventionnée à l’AMO, les assurés patients n’ont plus droit aux prestations complémentaires, autrement dit, aux analyses médicales. Dans ces structures sanitaires sélectionnées par la Canam sur une base que tout le monde ignore, les patients assurés à l’AMO n’ont droit qu’aux consultations superficielles et aux prescriptions des ordonnances. Et pour cause, il y a un à deux mois que la Canam a adressée une note aux responsables de ces structures sanitaires les informant de suspendre les examens complémentaires, c’est-à-dire les analyses médicales. Si la mesure ne concerne pas toutes structures sanitaires privées conventionnées à l’AMO, une bonne partie d’entre elles sont visées. Conséquences, un assuré, qui paie régulièrement ses cotisations et dont les droits sont ouverts, n’a plus le choix de sa structure de santé.
Pour rappel, la mesure, qui avait commencé avec une dizaine de structures sanitaires conventionnées à Bamako, a aujourd’hui été étendue à une centaine de structures. « Nous ne savons pas ce qui se passe. Mais, nous pensons que la situation n’est pas bien analysée parce que nous avons eu à faire des rencontres avec les responsables de la Canam sur la question et nous nous sommes rendus compte qu’il y a une véritable problème de communication au sein de cet organe. Et cela n’est pas sans conséquences sur le bon partenariat entre les différentes structures sanitaires conventionnées et la Canam. La Canam décide unilatéralement de suspendre les analyses dans ces structures. C’est dire qu’au niveau de ces cabinets, les assurés ne peuvent plus faire d’analyses. Ils se présentent à leur clinique préférée mais ne peuvent pas avoir accès aux analyses. C’est frustrant ! Et ça décrédibilise la Canam ».
En effet, selon Mamadou Kéita, la Canam conditionne brusquement la fourniture des analyses dans les cliniques privées à l’obtention de l’agrément d’un médecin ou d’un pharmacien biologiste. « C’est un problème un peu complexe. C’est dire que malgré la structure soit dans les normes avec tous les documents, il leur faudra aussi obtenir l’agrément d’un médecin ou d’un pharmacien biologiste pour fournir ses services d’analyses de laboratoires. Mais la question qu’il faut se poser est de savoir s’il y a autant de médecins biologistes et de pharmaciens biologistes pour toutes les structures sanitaires de Bamako pour que chaque structure puisse tisser un partenariat avec ces médecins ou pharmaciens biologistes. La réponse est non ! », dénonce le syndicat.
Mamadou Kéita s’insurge aussi contre le caractère unilatéral de la mesure de la Canam qui cache mal, selon lui, le déficit budgétaire de la Canam contraignant ses responsables à faire des restrictions de prestations dans certaines structures au détriment des assurés. « C’est dire que si vous êtes assuré à l’AMO et que vous êtes proches d’un cabinet médical ou d’une clinique conventionnés à l’AMO que vous fréquentez depuis des années pour faire vos prestations. Brusquement, un beau jour on vous dira que votre analyse et votre bilan ne peut plus être effectué et pris en charge par l’AMO. Cela donne à réfléchir. Quelque part, il y a un problème de responsabilité de la Canam. Et pire, jusqu’à preuve de contraire, ils n’ont pas fait un communiqué pour informer les assurés. Ils ont fait de telle sorte que les structures privées fassent ce travail de communication elles-mêmes. C’est dire que la CANAM est en train d’agir unilatéralement. Bref, les ordonnances continuent mais pour ce qui des analyses même une goutte de pince, le patient assuré paye cash dans ces structures conventionnées comme s’il n’est pas assuré. Et si, on le souhaite pas, il se trouve que le patient souffre d’un problème d’hypoglycémie qui doit être rapidement analysé, il risque de faire développer tout de suite un véritable problème de santé», explique notre interlocuteur.
A l’en croire, cette situation a été décriée par les syndicats des médecins au cours d’une rencontre avec la CANAM dont les responsables reconnaissent effectivement qu’il y a un problème de communication. « Ils ont promis de mettre de l’ordre rapidement, mais jusque-là les lignes ne bougent pas », regrette le syndicat.
Youssouf Z KEITA
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