En tenant compte du souci exprimé par son ministre de tutelle d’assurer la mobilité des Maliens, le Président-directeur général de « Aéroports du Mali (ADM) » a fait parler son génie. Dès sa nomination, Lassana TOGOLA a en effet entamé un vaste chantier de réaménagement des aéroports de l’intérieur. D’ailleurs, certains de ces aéroports attirent déjà des compagnies aériennes. Le PDG des ADM peaufine actuellement un plan B de renforcement de la résilience financière des aéroports. Ce, à travers la création prochaine de plusieurs activités extra-aéronautiques. Dans l’interview qui suit, ce colonel d’aviation dévoile ses ambitions pour les aéroports maliens. Lisez plutôt !
Comment se portent les aéroports du Mali ?
Colonel Lassina TOGOLA : Les aéroports du Mali se portent bien, malgré la pandémie de Covid-19 qui sévit actuellement. Pour réduire l’impact de cette maladie sur les aéroports, nous avons mis en place un certain nombre de mesures non seulement pour réduire les charges, mais aussi pour essayer d’axer nos efforts sur l’essentiel. Ce qui explique que malgré la crise sanitaire, nous tenons bon.
Vous avez sans doute hérité de la gestion de la Covid-19 suite à votre nomination, en septembre 2020, comme PDG des ADM. Expliquez-nous concrètement comment votre structure a résisté à cette crise mondiale ?
La gestion de cette crise a été au début très difficile pour tout le secteur aéronautique dans tous les pays. Ce que nous avons fait, c’est de nous adapter et continuer à faire des recettes malgré la diminution du trafic. Aujourd’hui, nous sommes à 57% de réduction des passagers. Pour nous adapter, nous avons dégagé comme objectifs la sécurisation des travailleurs de l’aéroport, la réduction des dépenses suite à la quasi-existence des investissements. Certes, je suis venu trouver que certaines mesures avaient déjà été mises en place, mais nous avons travaillé à les renforcer davantage. Nous avons renforcé la vérification systématique du port des masques au niveau des checkpoints, le lavage des mains, les panneaux de signalisation. Nous avons réussi même à installer des tunnels de désinfection de Covid-19. Je signale que les aéroports du Mali font partie des rares aéroports dans la sous-région à posséder de tels tunnels. Ils servent à désinfecter tout le corps des passagers qui arrivent au Mali. Il s’agit des habits qu’ils portent, leurs bagages et leurs corps. Et cela, avant même leur arrivée dans les locaux de l’aéroport. Ces tunnels sont dotés d’un système de désinfection automatique. Au-delà de tout cela, nous avons aussi mis en place une commission de crise qui se réunit une fois par semaine et parfois même à la demande de la direction des Aéroports, suivant l’évolution de la pandémie. Cette commission fait régulièrement le suivi et évalue l’évolution de la pandémie. Mieux, elle aide les décideurs dans la prise des décisions pour une gestion efficace de la crise sanitaire. Nous faisons aussi le dépistage périodique de tous les travailleurs de l’aéroport pour éviter la propagation du virus à partir de l’aéroport. Nous sommes également en contact permanent avec les compagnies aériennes pour faire en sorte que les passagers qui viennent de l’extérieur puissent entrer avec des tests Covid-19 valides. Et vice-versa pour les passagers qui quittent aussi le Mali pour un autre pays. Nous sommes très exigeants dans le contrôle de ces tests Covid, à tel point que nous n’hésitons pas à faire retourner ou à bloquer un passager qui n’obéit pas à cette mesure. Nous œuvrons aussi dans la sensibilisation sur la pandémie dans les aéroports et à travers les médias. Nous avons également une équipe médicale sur place, engagée 24h/24. Toutes ces mesures entrent dans le cadre de celles éditées par le gouvernement de la transition.
Les aéroports maliens continuent d’attirer de nouvelles compagnies aériennes, dont Sky Mali. Qu’est-ce qui explique cette marque de confiance ?
Le Mali est un pays béni. C’est vrai que nous n’avons pas de débouchée sur la mer, mais notre position géographique fait que nous sommes un point de passage obligé naturel pour toutes les compagnies aériennes. Notre position géographique fait que beaucoup de transits se font à partir de Bamako. En plus de cela, il faut noter que le peuple malien est un peuple de migration. Il y a beaucoup de Maliens qui vivent à l’étranger et qui sont obligés de rendre visite de temps en temps à leurs familles restées au Mali. Toute chose qui fait que le Mali est une destination prisée. Au-delà de tout cela, il y a aussi l’effort du personnel des aéroports maliens qui travaillent avec beaucoup de sérieux et de rigueur. Pour preuve, nous avons récemment obtenu un certificat qui atteste que les aéroports du Mali respectent avec rigueur les normes internationales en la matière, surtout l’Aéroport international de Bamako. Ce certificat a été donné par l’Organisation de l’aviation civile internationale. C’est dire que l’Aéroport de Bamako, en termes de crédibilité, est comme l’Aéroport de Paris. Toutes ces choses rassurent les compagnies et les incitent à venir. Par ailleurs, dès ma prise de fonction, j’ai entamé une visite dans les aéroports de l’intérieur, en commençant par Gao, Kayes, Sikasso, Mopti et Tombouctou. Je m’étais donné comme mission d’aller constater de visu ce qui manque à ces aéroports et voir comment les améliorer. Ma motivation vient du fait que le Mali est un pays vaste, avec des villes qui ne sont pas facilement accessibles. Au problème de la taille du territoire, se sont greffés aujourd’hui l’état vétuste des routes et la situation sécuritaire. D’où nos efforts pour tenter d’améliorer rapidement ces aéroports de l’intérieur, en vue de faciliter la mobilité des Maliens. C’est dans cet ordre d’idées que nous avons encouragé la nouvelle compagnie Sky Mali à aller à Tombouctou au lieu de Kayes, où elle avait initialement commencé ses activités. Grâce à cette arrivée de la compagnie Sky Mali, nous sommes aujourd’hui à trois vols par semaine Bamako-Tombouctou, au lieu de deux avant. Mais même là, les passagers en attente sont toujours nombreux. C’est un ouf de soulagement pour les populations de l’intérieur et ça permet aussi à nos aéroports de l’intérieur de se redynamiser. Récemment, nous avons aussi fait des aménagements à l’aéroport de Tombouctou en réhabilitant son aérogare secondaire qui avait été abandonné depuis des années. Cette réhabilitation nous a permis de faire le premier vol de Sky Mali le mercredi 3 février 2021. Toutes ces actions entrent dans le cadre du vœu des autorités de la transition qui veulent désenclaver les villes de l’intérieur. Nous sommes en plein dans la politique de développement des infrastructures intérieures en continuant à attirer les compagnies aériennes vers les aéroports de l’intérieur.
Quelles sont les perspectives ?
Comme perspectives, nous prévoyons de persévérer dans le processus de désenclavement des régions de l’intérieur. Nous envisageons aussi de créer les activités extra-aéronautiques. Ce sont des activités autour de l’aéroport qui nous apportent de l’argent, mais qui n’ont rien à avoir avec le trafic aéroportuaire. Nous pensons à la création des centres commerciaux, des centres de formation, de complexes sportifs, des restaurants. Tout cela, pour compenser le trou financier créé par la réduction des trafics.
Avez-vous un appel à l’adresse des compagnies aériennes pour soutenir votre politique de désenclavement intérieur du Mali ?
Je rassure d’abord les compagnies aériennes de la viabilité des aéroports du Mali. Je les rassure aussi que nous avons aujourd’hui des aéroports à l’intérieur qui sont crédibles. Et je signale qu’il y a un marché à prendre dans ces aéroports de l’intérieur du Mali. Elles seront les bienvenues.
Actualité oblige, quelle appréciation faites-vous des opérations de démolition dans la zone aéroportuaire ?
Le problème de la libération nécessaire de la zone aéroportuaire a été posé depuis une vingtaine d’années. Vu l’agressivité des occupations ces derniers temps, nous avons été obligés de prendre les mesures pour la faire. Si on ne démolissait pas ces habitations illégalement construites, on risquait de perdre la certification durement acquise par notre aéroport ou du moins, songer à délocaliser l’Aéroport. Et pour délocaliser l’Aéroport de Bamako, il faut 1000 milliards de F CFA. Cette démolition était nécessaire. Au-delà des conséquences économiques, il y avait aussi des menaces de pertes en vies humaines. Les avions sont très fragiles. On ne le souhaite pas ; si un avion tombe en plein milieu des habitations, les dégâts sont énormes. En plus, la zone aéroportuaire est un site où les avions doivent pouvoir déverser du carburant s’ils décollent avec une masse de carburant trop élevée. Des zones avaient été identifiées pour déverser du carburant, mais toutes ces zones avaient été envahies par des habitations. Je signale que ce déversement du carburant par les avions provoque souvent de l’incendie. Je veux que les personnes concernées par la démolition comprennent que cette opération n’est pas contre elles. C’est une nécessité de sécurité nationale et de notoriété internationale. L’aéroport a été déplacé de Hamdallaye à Sénou. Et si on ne fait pas attention, on risque de se retrouver dans les années à venir jusqu’à la frontière ivoirienne.
Quels sont vos souhaits pour le Mali ?
En tant que soldat, mon vœu le plus ardent est que la paix revienne au Mali. Je veux que le peuple malien vive en harmonie malgré nos différences culturelles. Je souhaite à mon pays de retrouver ses capacités d’antan. Le Mali était un exemple dans beaucoup de domaines dans un passé très récent. Dans notre domaine spécifique, le Mali était le pionnier de l’aéronautique en Afrique. Pour preuve, l’Ethiopie qui a la plus grande compagnie d’Afrique aujourd’hui venait prendre des leçons en aéronautique au Mali. Je veux que le Mali retrouve ses années de gloire. Je lance un appel aux jeunes maliens, afin qu’ils travaillent pour que le Mali soit un exemple dans tous les domaines d’activités en Afrique. Je suis convaincu que personne ne viendra bâtir le Mali à notre place. C’est à nous de le faire et nous pouvons le faire.
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