L’année 2020 aura donc été une année exceptionnellement difficile. Si des avancées ont été réalisées dans la mise au point de vaccins, la courbe de l’augmentation de la pauvreté constatée cette dernière année ne s’inversera probablement pas en 2021. Le nombre de nouveaux pauvres dans le monde en 2020 sous l’effet de la pandémie est estimé entre 119 et 124 millions. En 2021, ce nombre devrait s’établir entre 143 et 163 millions. Ces estimations, encore très préliminaires, montrent que, pour des millions de personnes dans le monde, la crise ne sera pas un phénomène de courte durée. À la suite de la crise financière asiatique, 42 millions de personnes sont sorties de l’extrême pauvreté en 1999 et, en moyenne, 54 millions ont pu en échapper chaque année au cours des deux décennies précédant l’actuelle pandémie. Nous ne pouvons qu’espérer que, quand viendra l’heure du bilan de 2021 dans un an, l’année aura été bien plus favorable à la réduction de la pauvreté que ce à quoi nous nous attendons aujourd’hui. Toutefois, la détérioration continue des perspectives de croissance que nous avons observée l’année dernière peut suggérer le contraire. L’accroissement des inégalités est une autre menace que nous n’avons pas explorée ici (nous avons supposé que la situation sur ce front restait inchangée), mais nous l’analysons plus en détail dans un autre billet. La seule certitude, avec cette crise, c’est qu’elle est véritablement sans précédent dans l’histoire moderne.
Alors que la nouvelle année semble porteuse d’espoir pour la lutte contre la COVID-19, ce billet propose un retour en arrière pour faire le point sur les effets de la pandémie sur la pauvreté en 2020. Au mois d’octobre dernier, nous estimions qu’entre 88 et 115 millions de personnes dans le monde basculeraient dans l’extrême pauvreté en 2020. Ces estimations reposaient sur les prévisions de croissance figurant dans l’édition de juin des Perspectives économiques mondiales (GEP). Compte tenu des projections de l’édition de janvier 2021 du GEP, nous anticipons à présent que le nombre de nouveaux pauvres attribuable à la pandémie de COVID-19 en 2020 se situera entre 119 et 124 millions de personnes. Cette fourchette est cohérente avec plusieurs estimations basées sur d’autres prévisions de croissance récentes.
Comme précédemment, le nombre de nouveaux pauvres correspond à la différence entre les estimations de la pauvreté avec et sans la pandémie. Dans le premier cas, nous utilisons les prévisions de croissance du GEP de janvier 2021 et, pour la projection sans pandémie, celles de l’édition de janvier 2020. Il convient de noter que, même si nous faisons ici un retour en arrière vers 2020, nos estimations reposent toujours sur des extrapolations d’enquêtes auprès des ménages antérieures à cette même année.
L’augmentation prévisible de la pauvreté mondiale en 2020 est absolument sans précédent. L’évolution annuelle du nombre de personnes en situation d’extrême pauvreté dans le monde entre 1992 et 2020. Chaque barre représente le nombre net de personnes passées d’un côté ou de l’autre du seuil d’extrême pauvreté par rapport à l’année précédente. Avant la pandémie de COVID-19, l’unique augmentation du nombre de pauvres dans le monde au cours des trois dernières décennies était consécutive à la crise financière asiatique, avec 18 millions de personnes pauvres supplémentaires en 1997 et 47 millions en 1998. Depuis 1999, le nombre d’habitants de la planète vivant dans l’extrême pauvreté a reculé de plus d’un milliard. La pandémie de COVID-19 risque d’annuler en partie ces progrès. Pour la première fois en vingt ans, la pauvreté devrait augmenter considérablement : on estime que cette crise a plongé dans l’extrême pauvreté entre 88 millions (scénario de base) et 93 millions (scénario pessimiste) de personnes en plus en 2020. Si l’on tient compte de celles qui auraient autrement échappé à l’extrême pauvreté, mais qui en seront empêchées en raison de la pandémie (soit 31 millions en 2020), le nombre total des nouveaux pauvres de la COVID en 2020 est estimé entre 119 et 124 millions.
Via investir
Sources : Lakner et al. (2020) (a), PovcalNet (a), Perspectives économiques mondiales (GEP)/ Banque Mondiale